Un plan en dit plus que des mots (1): Michael Bay ou le monde primaire

Publié le par Karibou

Le cinéma est un médium qui joue avec l'image plus qu'avec les mots. Un plan seul peut en dire énormément sur les thématiques, la personnalité ou la vision de son auteur. Voici donc une rubrique ou je disserterai sur l'image et ce qu'elle renvoie sur son créateur, que cela soit consciemment ou non.

 

  Commençons avec un réalisateur qui en moins de 10 ans a bâti son œuvre sur le vulgaire et le Bling-bling mais surtout pour sa participation à une propagande militaire savamment calculé et à une fermeture d'esprit digne d'un "redneck". Pour illustrer le propos, il suffit de ne prendre qu'un métrage: Transformers

 

 

Michael Bay s'entend très bien avec l'Armée Américaine. Tellement bien qu'elle lui prête ses joujoux pour faire de la publicité facile à un énorme public et potentiel soldat.

 

 

Plan 1:

 

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Les armes et véhicules militaires ont déjà une force à la base: Ils sont très cinégéniques. Force acquise grâce à la curiosité pointant son nez dès l'enfance avec des jeux de guerre dans la cour de récréation et au soin du design qui arrive à lorgner du coté du cinéma. Le fusil-mitrailleur P-90 est un parfait exemple. On pourrait croire à une arme de film cyber-punk.

Le plan ci-dessus se prête à l'iconisation d'un hélicoptère de combat. Le contre-jour sur soleil couchant est un classique. En une seule image, on nous donne deux indications: Force et puissance. Le véhicule au ralenti, les pales battant l'air, le soleil écrasant de chaleur. On se retrouve tout petit face à l'engin qui prend la place centrale du plan.

Le problème de Michael Bay n'est pas de montrer l'armée mais de la montrer rutilante, cool et classe. Ce qu'elle n'est pas.

Contrairement à un Francis Ford Coppola qui se joue de ce genre de mise en scène avec la célèbre "Chevauchée Des Valkyries" dans Apocalypse Now (ou toute la différence est que la musique est intradiégétique et illustre ce coté rutilant ridicule du personnage de Marlon Brando)

 

 

Plan 2:

 

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J'ai beau être le premier à dire que Michael Bay est un nullos, quand il s'en donne la peine, surtout si son plan dure plus qu'une 1/2 seconde, il est capable de construire son cadrage et de guider les yeux du spectateur vers le vrai centre de l'image.

Le plan se compose d'une ligne oblique en perspective. Commençant au milieu à gauche au premier plan, puis traversant les différents champs en remontant légèrement sur le toit du tank:

 

 

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On peut le dire, c'est un plan de poseur. Le premier militaire, arme en main, légèrement blessé, regard vers un décor hors-champ (sous-entendu "loin". Beaucoup de réalisateur partent du principe que ce qui n'est pas dans le cadrage n'existe pas. L'illustration la plus simple c'est l'hélicoptère qui sort de derrière un bâtiment ou une colline et qui se met à faire un bruit d'enfer alors que 2 secondes auparavant, il était à la même distance, mais juste "invisible") qui est suivi par le reste de son unité, tous décalé les uns aux autres, pour former un ensemble. Et finalement sur un soldat en hauteur grâce au tank savamment placé là. Une légère inclinaison de celui-ci permet à son canon de pointer vers le ciel (sentiment de puissance. Façon le gimmick des horlogers avec leurs montres toutes à 10h10 dans une vitrine) et de croiser la ligne.

 

Qu'est ce qu'on y ressent? Un sentiment d'unité, de fraternité, d'héroïsme et de professionnalisme malgré les difficultés. L'armée façon Michael Bay.

 

 

Je ne pense pas que Michael Bay soit un fieffé raciste. Plutôt un gros beauf qui aime les stéréotypes parce que c'est rassurant.

Voyons en deux plans simples comment notre réalisateur nous fait découvrir sa vision des choses.

 

 

Plan 3:

 

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Pour remettre dans le contexte du film: Nos militaires se retrouvent traqués par un des Decepticons et tout en se couvrant ont objectif de se réfugier dans un village reculé (très sympa pour les habitants. Ça leur fera de l'animation).

Ce plan est juste le second dans le village. Une femme en Abaya noir crie de terreur et en deux temps trois mouvements (et un petit travelling) des dizaines de musulmans armés sortent d'une mosquée en hurlant. Je vous rappelle qu'on est dans un village au milieu de nulle part. Ils ont une mosquée, ils sont musulmans donc qu'importe ou ils se trouvent, ils ont des armes pour attaquer le grand Satan Américain. Aucune mesure ou nuance. Musulman = Terroriste (ce qui est sous-entendu par le plan. Ou alors les habitants du Qatar aiment courir avec des AK-47). Terroristes cachant leur armes dans un lieu saint pour eux.

Michael Bay nous fait part, plus inconsciemment que consciemment (puisque ca participe, même si ce n'est pas crédible, à la suite de la scène), de sa vision du Sand Nigger.

 

 

Plan 4:

 

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Quand j'ai vu le film au cinéma (OUI, j'ai payé pour ça) et qu'on nous introduit les différents Autobots (les gentils Transformers) je n'ai pas pu m'empêcher de pouffer devant la présentation de Jazz en me disant: PUTAIN! Même avec des robots ils arrivent à placer un stéréotype de noir!

Jazz (... is a white man's word disait Miles Davis à propos du mouvement musical. Ce qui correspond très bien à cette vision du noir vu par un blanc illétré et gavé de merde) le robot se présente en break-dansant, utilise le mot "bitch" pour saluer, parle avec une voix de baryton avec option "ghetto" (c'est l'acteur qui joue le fils de Carl dans la sitcom La vie de famille qui prête sa voix) et comble du comble, c'est le seul gentil à mourir à la fin. Franchement, c'est drôle de rire des clichés dans les slashers, mais de là à en faire une vérité cinématographique qui se confirme dans un énorme film avec des PUTAINS DE ROBOTS GÉANTS, c'en est presque insultant. Il n'y a pas de robot Japonais qui se prend pour Yojimbo ou un robot Mexicain qui se transforme en sombrero alors pourquoi nous faire part de tant de clichés sur les noirs condensés en un seul personnage? 

Encore une fois, je ne pense pas que Michael Bay soit un membre du Ku Klux Klan et que son film vise à être dégradant envers les noirs de manière consciente, mais ca illustre encore une fois ce coté beauf nourris aux clichés bons à faire des blagues entre amis.

 

Quatre plans. Il suffit de quatre plans pour résumer le cinéma de Michael Bay. Certains n'y voit qu'un gentil gosse qui aime faire exploser des choses façon coup de pied dans une tour en légo, pourtant son cinéma est truffé de plans comme celui-ci. Entre connivence avec l'armée (il s'en vante lui même dans ses comm' audios) et bêtise crasse. Tiraillé entre la conscience de servir de vitrine d'exposition militaire pour avoir droit aux derniers progrès de l'US Army et démonstration involontaire de son inculture propre à notre époque (femmes à moitié à poil, grosses voitures et énormes explosions pour montrer le fric monstre injecté dans ses films). Michael Bay n'est pas un cinéaste ou un artiste. Juste un mec qui se fait l'écho complice de notre monde actuel.

Publié dans Soyons Sérieux

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